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« Ne pensez plus jamais qu’être atteint par un SSPT est une faiblesse. »Par Jérémy Nouen.

Gérard CHAPUT

Dernière mise à jour : il y a 5 jours

Lorsque je me suis engagé en 2013, j’ai été plongé, dès mes premières classes, dans l’horreur vécue par les survivants de Gwan (Le 20 janvier 2012, un soldat de l’armée nationale afghane ouvrait le feu sur des militaires français en plein entraînement sur la base opérationnelle de Gwan en Afghanistan). Affecté au Centre Médical des Alpes et suivant ma formation auprès du 93e régiment d'artillerie de montagne, je croisais sans cesse des instructeurs revenant tout juste de cette mission tragique. Mon centre médical, qui portait alors la fourragère de la Croix de la Valeur Militaire, me rappelait, à chaque instant, lors des moments d'activité comme des pauses, la souffrance insoutenable qu’avaient vécue ces hommes, qu'ils aient été témoins ou non de l’attentat contre une OMLT française.


J’y ai rencontré des hommes et des femmes qui ont compris, dès lors, ce qu’implique un engagement opérationnel, ainsi que ses conséquences irréversibles. Au-delà des mots comme « abnégation », « dépassement de soi », ou « sacrifice suprême » — ces concepts flous pour beaucoup — eux, savaient parce qu’ils l'ont vécu. Certains de manière directe et violente, d’autres de manière insidieuse et indirecte.


Oui, le Syndrome de Stress Post-Traumatique (SSPT) est insidieux, une blessure profonde, une plaie invisible qui s’immisce dans l’âme. C’est à l’image d’une balle silencieuse qui frappe la tête de ceux qui se pensaient invincibles, prêts, informés, ou encore, non concernés parce qu’administratifs plus que combattants. Chacun de ceux que j’ai rencontré, me confiait un mal-être, dépeignait la même souffrance. Beaucoup d’entre eux étaient pourtant des guerriers aguerris.


Le SSPT, c’est comme un pilier d’un bâtiment qui s’effondre lentement. Ce qui, par définition, ne devrait avoir aucune signification, comme un simple claquement de porte ou une fusée d'artifice, prend soudainement un sens profond, un rappel incessant de la Mort, qui se cache juste derrière nous, murmurant à notre oreille : « Je suis inéluctable ». Et ce qui, normalement, aurait un sens bien plus profond — la famille, les amis, la beauté du monde — s’efface, disparaît. Ces choses précieuses perdent leur saveur sucrée et subtile, et leurs mille et une couleurs se fanent, laissant place à un goût amer, celui du sable, du sang et de la sueur.


Le serpent sournois de l’ESPT, s’infiltre sans crier gare, se cache dans toutes les têtes. Sans exception. Du plus faible au plus fort, du plus courageux au plus hésitant sans distinction. Le SSPT n'est ni xénophobe, ni homophobe, ni misogyne. Comme une balle qui partirait de son canon sans savoir où elle frappera, le SSPT ne fait aucune distinction.

Pourtant, il y bien a une différence : il n’y a pas d’homme derrière le canon. Il y a l’édification d’un esprit singulier — le vôtre. Cet esprit a été façonné au fil des années par des influences culturelles, sociales, éducatives et expérientielles, qui ont forgé des croyances, des attentes, des valeurs, et ont finalement constitué votre identité, enracinée dans la subjectivité de votre perception du monde.


C’est dans cette subjectivité, remplie de certitudes, que le serpent trouve son terreau. La balle qui y creusera son terrier n’est autre que cette onde imperceptible mais tangible : l’essence d’un son, d’une odeur, d’une lumière, ou d’un goût, qui, en stimulant nos sens, réveille des blessures profondément enfouies. Que faire face à cela ? Comment réagir lorsque ce qui fait partie de notre essence vitale — le fait de ressentir — devient un parasite qui s’immisce insidieusement dans tout ce qui nous a construit jusque-là ?

C'est en ce sens que nous sommes tous, sans aucune considération pour la force ou la faiblesse de notre esprit, potentiellement vulnérables à ce serpent. Vous pouvez tenter de nier qu’il est déjà en vous. Vous pouvez choisir d’ignorer les changements qu’il provoque dans votre perception du monde, dans votre comportement, dans vos émotions... Vous pouvez même fermer les yeux sur les cris sourds de vos proches, ceux qui ne sont pas dupes et qui vous crient leur inquiétude, vous affirmant que quelque chose ne va pas.


Ce serait une pure folie pour un blessé psychique de continuer à se penser incurable, au-delà de toute ressource de soin. La véritable force réside dans l’humilité de reconnaître que nous avons besoin d’aide, et dans la volonté de la demander.



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